Saisie conservatoire : sanction du tiers saisi qui ne remplit pas ses obligations
Le tiers saisi engage sa responsabilité s’il ne fournit pas sur-le-champ l’information à l’huissier, quand bien même le créancier l’a obtenu postérieurement ; de même, si, après avoir répondu sur-le-champ, il fournit plus tard des informations inexactes.
Civ. 2e, 4 févr. 2021, no 19-12.424 (P+I)
Dans le cadre de saisies conservatoires, la Cour de cassation rappelle, d’abord, que les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils sont tenus d’y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis.
Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts ; dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur (C. pr. exéc., art. L. 123-1).
Elle précise ensuite que l’huissier invite le tiers à déclarer les biens qu’il détient pour le compte du débiteur et, parmi ces derniers, ceux qui auraient fait l’objet d’une saisie antérieure. En cas de refus de déclaration ou de déclaration inexacte ou mensongère, le tiers peut être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts.
(C. pr. exéc., art. R. 221-21, al. 2 et 3 par renvoi de l’art. R. 522-5)
Elle juge que la circonstance que le créancier saisissant ait obtenu, postérieurement à l’accomplissement de la mesure, l’information dont est débiteur à son égard le tiers saisi ne l’exonère pas de son obligation de fournir les renseignements prévus. Elle ajoute que le tiers saisi, qui, après avoir exactement répondu sur-le-champ à l’huissier, lui fournit ultérieurement des informations complémentaires mensongères ou inexactes, engage sa responsabilité. En l’espèce, une société créancière obtient deux ordonnances l’autorisant à pratiquer à l’encontre de sa débitrice en garantie de la somme de 600 000 €, une saisie conservatoire sur tous les biens meubles corporels et notamment les stocks de produits finis, ainsi que sur des créances entre les mains de deux sociétés d’un groupe international opérant en France.
Elle fait pratiquer une saisie conservatoire de créances et une saisie conservatoire de biens meubles corporels entre les mains de ces sociétés tiers saisis. Par ordonnance de référé, la société débitrice est condamnée à payer à la société créancière, à titre provisionnel, la somme de 740 369,71 €. Cette dernière fait pratiquer deux nouvelles saisies conservatoires entre les mains d’une des sociétés déjà tiers saisi.
Le liquidateur judiciaire de la société créancière assigne les sociétés tiers saisis devant le juge de l’exécution à l’effet, d’une part, de constater le refus de répondre de l’une, le manquement de l’autre à son devoir de collaboration dans le cadre de la saisie sur stocks et le préjudice consécutif en étant résulté à hauteur de sa dette à l’égard du débiteur, et, d’autre part, d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement des causes de la saisie.
La Cour de cassation juge légalement justifié l’arrêt de la cour d’appel qui a condamné les sociétés tiers saisis au paiement des causes de la saisie.
Par Jean-Jacques Hulaud, Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances et procédures d’exécution – Le 19 février 2021